Que boire avec les asperges ?
Elle fait perdre la tête aux gourmands et les pédales aux sommeliers. Malaisée à associer, l’asperge se prête pourtant à de nombreux mariages. Pas fidèle pour un sou, elle s’acoquine joyeusement avec de nombreux vins valaisans.
On raffole de l’asperge, cette tige blanche, verte ou violette qui annonce le printemps. C’est un peu le légume star du Valais, car séduit par sa saveur délicate, teintée d’une pointe d’amertume, les plus grands chefs se plient en quatre pour le magnifier. Les sommeliers, eux, sont moins emballés. Pas facile de choisir le vin qui accompagnera ce mets assez malicieux pour marier subtilité et caractère. Et si on vous prouvait le contraire ?
Plutôt blanc ou rouge avec l'asperge ?
Le blanc, sans hésiter ! Secs, fruités, avec une pointe de minéralité et vifs de préférence, les vins blancs suisses sont les plus sûrs compagnons de l’asperge, qu’elle soit blanche, verte ou violette.
Les vins blancs secs ont l’avantage d’aller taquiner le côté racinaire, ferreux ou herbeux de l’asperge. Leur tension minérale est quasi magique sur des asperges en vinaigrette, aux herbettes ou avec une sauce aux agrumes ou à l’ail des ours.
Les vins plus gras et plus complexes ont d’autres cartes à jouer et nous emmènent dans un monde de saveurs plus intense. Tout est affaire de goût et de recettes. On ne sert pas le même cru sur une asperge vinaigrette ou une asperge à la crème safranée.
Et traditionnellement, en Valais, on sert quel vin avec l'asperge ?
En Valais, la tradition prône de servir un Johannisberg (appelé Sylvaner partout ailleurs) avec les asperges. Ses notes d’amandes soulignent l’amertume du légume sans l’écraser. Selon le terroir et la patte du vigneron, le Johannisberg se révèle gras et onctueux ou plus minéral et tendu. Avec, toujours, en fil rouge, une folle complexité et une légère acidité. Avec des asperges blanches en mayonnaise, à la crème ou au beurre blanc, c’est une merveille.
L’Ermitage (ou Marsanne blanche dans le reste du monde, je vous avais prévenu, les Valaisans baptisent à tout va), fait office d’invité surprise sur des plats d’asperges sophistiqués et riches. Un guest star mystérieux avec ses notes envoûtantes de prunes jaunes, de noisettes, de réglisse et de truffes. Sublime…
L’accord qui titille
Pourquoi ne pas oser un Muscat sec d’une belle vivacité ? Si parfois son profil aromatique peut lasser, avec l’amertume de l’asperge, on en redemande !
Racé et puissant, le Riesling tient tête aux asperges avec élégance et grande classe.
La Petite Arvine joue les divines et préfère la compagnie de poissons ou de crustacés. Cependant, avec des asperges sauce aux agrumes ou servies avec une vinaigrette légèrement citronnée, cette grande Dame ne déçoit pas.
Idem pour le Païen ou l’Heida (en fait, le Savagnin Blanc aussi appelé Traminer, mentionné dans le Haut-Valais pour la première fois en 1586). Pour jouer sur les contrastes, on le marie avec des asperges au saumon ou à la truite fumée.
L’accord fou
Allez, on ose. On ouvre une bouteille de vin orange. On retrouve souvent dans ces vins des notes de terre, de craie, de graines de fenouil, de thé, d’épices et… d’asperge ! Fermez les yeux et imaginez ça avec des asperges sauce hollandaise. Elle est pas belle la vie ?
Pour rester dans les couleurs, si on essayait un rosé ? Un rosé délicat, ciselé et frais, avec des arômes de fraises et de fruits rouges. Un twist intéressant qui rappelle les délicieuses salades d’asperges vertes à la fraise.
On va plus loin et on débouche un Pinot Noir ou un joyeux Gamay. Une hérésie selon les puristes qui crient au sacrilège. Selon certains le côté ferreux et l’amertume de l’asperge tuerait le vin. Mais les fanas de rouge trouvent ici un compromis acceptable.
L’accord bulles
Je le concède, des bulles et des asperges, c’est pas banal. C’est presque un mariage contre nature. Mais pour un peu qu’on sélectionne un mousseux valaisan (il y en a d’excellents) avec une pointe d’amertume, de jolies bulles, une jolie fraîcheur - si on préfère jouer sur les contrastes, on s’accorde une petite douceur-, on peut s’amuser à les acoquiner. C’est gonflé, mais c’est permis.
Plus sur les asperges du Valais
On cultive l’asperge en Valais depuis le début du XIXe siècle. Dans les années 1950, cette culture a atteint son apogée dans le canton. Puis, face à la concurrence des asperges étrangères, plus précoces, la production valaisanne a décliné peu à peu.
En 1985, l’asperge valaisanne est ravagée par la fusariose (maladie causée par un champignon qui s’attaque à ses racines). On n’abandonne pas pour autant sa production, car les asperges valaisannes, plus goûteuses que certaines asperges importées, sont très recherchées.
Aujourd’hui, l’asperge ne cesse de gagner du terrain en Valais. On cultive alors des variétés plus résistantes aux attaques de ce champignon (Backlim, Boomlim et Gamlim), qui sont celles que l’on trouve aujourd’hui sur le marché. L’asperge verte, elle, a été introduite en Valais vers 1980.