Accord mets-vin: quel vin avec la raclette ?
Il s’appelait Léon, le gars qui a eu l’idée folle - et géniale - de faire fondre un morceau de fromage devant un feu de bois. La raclette était née. Une question demeure, il buvait quoi, Léon ?
C’est Léon, un vigneron valaisan, qui a inventé la raclette. Un jour de mauvais temps, dit la légende. Mais peut-être bien qu’il faisait beau. La raclette en été, ça passe tout seul. Par beau ou par mauvais temps, Léon a donc chauffé un morceau de fromage devant un feu de bois et dégusté le résultat. Devant tant de délicatesse, lui aussi aurait fondu ! Chaleur réconfortante d’une pâte à la texture onctueuse, arômes de fleurs de montagne qui se complexifient avant de se perdre dans une finale voluptueuse parfois relevée d’une pointe d’amertume... Il n’en fallut pas plus pour qu’il récidive, notre Léon, et claironne dans tout le canton, que la raclette, c’est vachement bon.
Si l’histoire est sympathique, elle ne nous révèle pas ce que Léon a bu en mangeant la première raclette ! Du vin sûrement. Sans doute, le fruit de ses propres vignes, car chaque famille – ou presque – possédait un petit vignoble. A l’époque de la transhumance, notre Léon portait plusieurs casquettes : agriculteur, vacher bien sûr, et vigneron. Pour lui l’année était rythmée, des pâturages d’été aux pâturages d’hiver, de la montagne à la plaine, par les besoins du bétail.
Mais revenons à nos flacons. Il buvait quoi Léon ? Du vin rouge ou du vin blanc. Peut-être de la piquette, ce breuvage obtenu en rinçant le marc ou les lies de la vendange avec une bonne rasade d’eau. Allez savoir ! Depuis près de 500 ans les amateurs de fromage fondu se confondent en conjonctures. Chacun a sa propre théorie, tous y vont de leur précepte. Dans ce hit-parade, Fendant et Gamay arrivent en tête. Si comme Hélène vous ne jurez que par un blanc sec et tendu « qui rafraîchit le palais et qui en redemande », ou si comme Didier, vous optez pour un vin rouge tannique afin « de nettoyer le gras du fromage qui colle au palais », vous avez raison. Il n’y a qu’une vérité lorsqu’on passe à table : le PLAISIR.
« Monsieur Raclette du Valais » craque pour l’Heida
Nommé ambassadeur du Raclette AOP du Valais, Eddy Baillifard a concrétisé son rêve d’enfant. « Je suis né en 1963, le jour de la désalpe, c’est un signe », lâche Eddy Baillifard dans un large sourire. « De plus, avec un grand-père éleveur et fromager chez qui je passais toutes mes vacances, je suis tombé naturellement dans le chaudron. Devenir fromager tombait sous le sens. » Eddy incarne aujourd’hui le Raclette AOP du Valais. On l’a souvent croisé, un verre d’Heida à la main, mangeant une raclette.
« Même si l’Heida n'est pas un cépage autochtone du Valais - alors que le Raclette AOP est un pur produit valaisan - il est cultivé en Valais depuis le XVIe siècle déjà. Il fait donc partie de notre patrimoine culinaire. Pour moi, chaque produit de notre terroir s'associe avec les autres produits de notre terroir. Mais attention, il y a des règles à respecter. Il y a raclette et raclette. Pour accompagner une raclette de fromagerie villageoise, jeune, de 3 à 5 mois, je reste sur du Fendant ou du Gamay. Cependant les arômes de pain de seigle rassis et l'acidité soutenue de l'Heida se marient judicieusement avec une raclette d'alpage plus corsée, plus florale. Du reste, il accompagne également, très bien, un casse-croûte composé d'un morceau de pain de seigle du Valais, et un bon vieux fromage d'alpage de 12 à 18 mois, une tranche de viande séchée IGP du Valais, et un saucisson. » Pour Eddy, la meilleure explication passe par la dégustation. « Vous mangez une raclette d'alpage, vous prenez une gorgée d'Heida, vous fermez les yeux, et là, vous vous envolez immédiatement dans nos pâturages d'altitude, vous êtes au septième ciel. Rien que le fait de vous l'expliquer, j'en ai les larmes qui coulent. »
Chez Raclette on Tour, on mise sur les mariages de contrastes
Selon Noah Bonvin, fondateur du service traiteur Raclette on Tour, pour accompagner une raclette, l’univers des vins est vaste. « J’ai envie de vous dire qu’il faut tout oser. Essayer, c’est le meilleur moyen d’avoir de bonnes surprises. Perso, je préfère les mariages de contraste. Avec un fromage corsé, par exemple, je cherche de la fraîcheur dans le vin. Ça titille les papilles, c’est sympa ! »
Le challenge de Raclette On Tour : faire découvrir des produits rares, des fromages de petits alpages ou de laiteries moins connues. « J’ai mes informateurs aux quatre coins du Valais. Des amateurs éclairés qui me donnent des pistes. Aller tester tel ou tel alpage, ne pas rater une production exceptionnelle, etc. Du coup, chez Raclette on Tour, on consacre la même attention au choix du vin. On recherche quel cru, quelle spécialité valaisanne, vont mettre en valeur tel ou tel fromage. »
Pas question pour autant de toujours se prendre la tête. « Ceux qui ne sont pas spécialistes, peuvent trouver de très bons produits en supermarchés et trouver du plaisir. Je me souviens d’avoir bu un verre de Dôle avec un fromage de Tourtemagne de 3 mois. J’ai été bluffé par la simplicité et l’harmonie de ce mariage. »
Avec l’insolence de la jeunesse, Noah Bonvin ose d’autres accords mets et vins surprenants. Il parfume une raclette traditionnelle de touches audacieuses : quelques gouttes de piment d’Ouganda, d’huile de truffe, ou d’un peu d’ail pour les palais aventureux. « Avec une raclette à l’ail, je reste sur un Fendant, tandis que je privilégie un rouge pour accompagner le piment. »
Pour accompagner une raclette, il y a aussi…
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La Rèze : Cépage alpin par excellence qu’on retrouve exclusivement en Valais. Avec ses notes résineuses, séveuses, voire parfois des saveurs de bourgeon de sapin, la Rèze a du caractère et tient tête à tous les fromages.
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La Marsanne : Aussi appelée Ermitage en Valais, ce cépage complexe et généreux peut paraître un choix étonnant. C’est un peu comme ces couples dépareillés à première vue mais qui s’entendent si bien sur l’oreiller.
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La Petite Arvine : Un cépage autochtone à la finale saline, qui brille au firmament des grands vins du monde, qui déculpe la saveur des poissons et crustacés mais qui, fier de ses origines montagnardes, s’accorde, of course, parfaitement avec les fromages de la région.
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L’Humagne Rouge : Un sauvageon que la main de l’œnologue réussit parfois à civiliser -même si nous, on le préfère un peu brut de décoffrage, ses racines alpines ancrées dans son jus – qui par sa fougue et son ardence se plaît avec les fromages de caractère.
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La Dôle : Un peu oubliée, jamais égalée. La Dôle est le premier assemblage du Valais. Souple, gouleyante, charmante, elle est de bonne compagnie, tant avec les charcuteries (viande séchée et autres délicatesses qu’on sert avant ou avec la raclette) qu’avec une bonne pâte chaude et coulant.
La Raclette du Valais AOP
La Raclette du Valais a obtenu son AOP en 2007. Pour y avoir droit, le fromage doit être fabriqué à partir de lait cru entièrement naturel et respecter la recette ancestrale. Le lait cru confère une saveur et une texture crémeuse qui ont contribué à la réputation de ce fromage à raclette, tout comme la flore des montagnes et des alpages du Valais. Le lait provient de vaches de race d’Hérens, Brunes, Simmental, Red Holstein et Tachetées noires.
Les fromages reposent sur des planchettes en bois brut d’épicéa au minimum trois mois. Les fromages d’alpage sont plus riches en oméga-3 du fait de la qualité de la flore alpine.
Avec un fromage de trois mois, la raclette est douce et crémeuse. Plus le fromage vieillit, plus le goût s’affirme. On conseille de ne pas utiliser un fromage de plus de six mois pour la raclette, car avec l’âge, il devient plus « huileux », mais aussi plus goûteux. À vous de voir…